jeudi 28 octobre 2010

Macaronade du diable


C’est une vraie recette du diable, goûtue à souhait, qui se prépare vite fait sur un feu de bois, ou sur ta vieille gazinière. Les macaronis sont de bonnes pâtes que tu utilises déjà en gratins et autres recettes goûteuses. En voici une préparation sauvage, vraiment diabolique, qui ravivera tes papilles et comblera tes amis. Tout d’abord procure-toi de bons gros macaronis, qui tiennent bien la cuisson : les meilleurs sont fabriqués par une célèbre marque italienne que tu connais sans doute. Ensuite, prévois pour ta recette et pour 5/6 personnes :

650 grs de gros macaronis donc, deux trois tomates bien mûres, une tranche de potiron, un tiers de filets d’anchois au sel, vin blanc, une petite poignée de pignons, romarin, sauge, thym, une demie-tête d’ail, trois ou quatre beaux piments verts, deux beaux poivrons rouges, un quart de coques, huile d’olive et du gros sel de mer. En ustensiles, il te faudra une grosse casserole pour bouillir tes pâtes, une moyenne pour ta courge, une grande poelle style paella…

Commence par faire cuire al dente tes pâtes. Sors-les et réserve-les. Pendant ce temps, tu auras mis à blanchir ton potiron, que tu auras coupé en dés et que tu retireras de l’eau bouillante dès qu’il est presque à coeur, mais encore un peu dur. Entre temps, tu auras nettoyé et lavé à l’eau froide tes filets d’anchois, épluché tes gousses d’ail (en retirant le germe), et préparé tes poivrons rouges au feu, ou au four si t’es privé(e) d’extérieur (quel dommage !).

Prends ta paella et verse deux trois bonnes cuillères d’huile que tu fais chauffer à feu moyen. Jettes-y tes piments verts coupés en morceaux, tes tomates également tronçonnées, tes cubes de potiron, ton ail en demi-gousses, sale au gros sel. Attends que ta tomate et les piments cuisent. Alors ajoute tes macaronis égouttés et sur feu fort, fais les griller un peu. Dès qu’ils grésillent, ajoute trois verres de blanc, ton thym, ton romarin (deux beaux brins de chaque), un brin de sauge fraîche, et couvre. Laisse mijoter à feu doux.

Pendant ce temps, épluche tes poivrons rouges et détaille-les en filets que tu réserves dans une assiette. Reviens sur ta poelle et rajoute tes coques jusqu’à ce qu’elles ouvrent. Rectifie l’assaisonnement. Puis hors du feu jette tes pignons, tes filets d’anchois ciselés et tes poivrons en petits filets. Mélange et sers. Régale-toi.

Accompagne cette macaronade d’un bon vin catalan, genre un Collioures de deux trois ans d’âge.

Gatonegro

mardi 26 octobre 2010

Perdiz a la Gitana et sa grillade de poivrons rouges



Comme le dit souvent la vieille Alma, cuisinière hors-pair au demeurant, les Gitans aiment bien manger leurs symboles : escargots, hérissons, oiseaux (les Gitans adorent les oiseaux, en l’air, en cage, et dans les assiettes)… ces must de la cuisine gitane sont également les porte-drapeaux de tout un peuple libre comme l’air, autonome, et jaloux de sa tranquilité…

C’est donc la saison des perdrix, et à moins qu’on t’en ramène de Dieu sait où, on préfèrera choisir sur le marché des perdreaux, qui sont de jeunes perdrix bien plus tendres. Pour cette recette dérivée de la cuisine Andalouse, il te faudra, pour 4 personnes : 4 beaux perdreaux, du lard de bardage, un quart de tellines -les tellines, tu sais ce que c’est ? Ces toutes petites coquilles qu’on ramasse dans le sable très près du rivage en Andalousie, mais ici aussi vers Le Grau ou les Saintes- de la mie de pain, une demi-tête d’ail, deux verres de xéres, un bon verre et demi de blanc sec, une petite grappe de raisin noir, un citron, une poignée d’amandes effilées, une quinzaine de baies de genièvre, quelques brins de romarin, 3 ou 4 piments rouges, quelques brins de coriandre frais (ou persil si t’as pas), huile d’olive, gros sel, poivre du moulin. Pour les poivrons, choisis-toi 4 beaux poivrons rouges un peu mûrs : ils doivent être d’un beau rouge profond, la peau légèrement flétrie.

En ustensiles, une cocotte en terre pour les oiseaux, une bonne brassée de bois dans ton brasero ou ta cheminée, un torchon, deux petits saladiers, de la ficelle de cuisine.

Commence par vider tes oiseaux puis frotte-leur la peau au gros sel. Ne leur coupe pas la tête : le crâne est délicieux à croquer avec une gorgée de vieux marc. Dans un saladier, fais tremper dans l’eau de mer (ou à l’eau légèrement salée au pire) tes tellines de façon à ce qu’elles dégorgent leur sable. Pendant ce temps, prépare ta farce : dans un petit saladier, mélange la mie d’une demie-baguette avec le xérès et une demie-cuillère d’huile, une dizaine de baies de genièvre, ta coriandre ciselée, deux gousses d’ail hachées finement, deux trois grains de sel de mer, poivre au moulin puis fourre tes oiseaux. Barde-les et ficelle. Fais chauffer deux cuillères de bonne huile d’olive dans ta cocotte puis dispose tes oiseaux au fond de la cocotte, à feu vif. Fais dorer tourne-retourne cinq six minutes de chaque côté puis baisse ton feu. Rajoute alors ton vin blanc, tes piments, trois gousses d’ail épluchées et entières, ton romarin, le reste des baies de genièvre, quelques grains de gros sel (fais gaffe), puis couvre et laisse à feu très doux pendant quarante minutes.

Pendant ce temps, tu auras préparé une bonne braise. Plonge alors directement tes poivrons, en les recouvrant d’un peu de braise. Il te faudra environ vingt bonnes minutes pour qu’ils soient cuits à coeur.Tu les retireras et les éplucheras à chaud en les tenant par le torchon. Puis tu les détailleras et les mettras à tiédir dans un saladier avec deux bonnes cuillères d’huile, un peu d’ail haché, le jus d’un citron, sel et poivre. Couvre le saladier avec une assiette.

Reviens alors sur ta cocotte. Ajoute les grains de raisins, les tellines que tu auras épongées sur le torchon, tes amandes effilées, couvre, rectifie l’assaisonnement, éventuellement rajoute un demi-verre de blanc, et laisse encore mijoter à feu doux une dizaine de minutes.

Voilà : tu peux servir les oiseaux dans les assiettes (choisis-les larges et bien plates pour découper les oiseaux à l’aise) avec à côté ta salade de poivrons grillés. Régale-toi.

Accompagne ce plat des dieux d’un bon Rioja bien charpenté, ou à défaut un bon Chusclan millésimé, et d’un petit verre de marc vieux, que tes invités laperont doucement en dégustant l’oiseau.

Gatonegro

Autour du feu : recettes de brasero


En cette saison où le froid gagne peu à peu, où les longues journées de pluie rafraîchissent les vieux os, rien de tel qu’un repas simple pris entre amis autour d’un feu. Voici donc quelques recettes basiques, faciles à réaliser, qui vont te permettre de régaler tes invités sans te prendre la tête.

Au menu : Chorizos au feu, Paquets de vigne, Pan y tomat, Poires à la braise

Pour 6 personnes, il te faut 6 chorizos bien frais, un gros pain de campagne au levain, 1/2 kg de lentilles vertes, trois ou quatre tomates bien mûres, de type pendelote, des câpres, deux trois gousses d’ail, huile d’olive, sel et poivre, de la menthe fraîche, deux ou trois beaux citrons, 6 poires juteuses, du miel, de la canelle, une brassée de feuilles de vigne encore fraîches, même un peu rouges, c’est pas grave pourvu qu’elles soient souples (tu dois pouvoir en trouver encore), du papier alu, de la ficelle de cuisine.

Chorizos au feu : choisis 6 beaux chorizos artisanaux et surtout très frais. Ne les pique pas, et pose les directement sur la grille au-dessus des braises. A côté, pose 6 belles tranches de pain de campagne, que tu feras dorer une minute ou deux tourne-retourne. Quand tes chorizos commencent à siffler un peu, retire-les du feu, ouvre les d’une entaille tout du long, et chacun se tartinera le sien sur le pain chaud : un régal.

Paquets de vigne : c’est un des deux accompagnements du chrorizo grillé. Tu auras fait cuire auparavant un demi-paquet de lentilles vertes (40 minutes environ à ébullition). Goûte-les avant de les passer : elles doivent être bien molles, faciles à écraser. Dans un saladier, réduis-les en purée à la fourchette, avec deux cuillères d’huile, le jus de deux citrons, sale et poivre. Cisèle 5 ou 6 beaux brins de menthe fraîche et rajoute-les à ta préparation. Ajoute également une poignée de câpres. Mélange bien : ta purée doit former une pâte facile à travailler. Fais-en des pâtés ou des boulettes que tu roules dans une grande feuille de vigne, en ficelant. Pose tes paquets ainsi formés sur la grille un peu loin des braises et laisse cuire 5 minutes de chaque côté. Sers les paquets dans une assiette où chacun piochera, en dépiautant ce qui reste des feuilles de vigne.

Pan y tomat : C’est l’autre accompagnement. Dans un saladier, écrase la chair de tes tomates que tu auras pelées avec deux gousses d’ail haché finement, deux cuillères d’huile d’olive, des câpres et le jus d’un beau citron. Mélange, sâle et poivre. Il ne te reste plus qu’à tartiner et laisser imbiber 6 belles tranches de pain de ce mélange.

Poires à la braise : C’est le dessert. Tu te seras choisi 6 belles poires juteuses, que tu ouvres en deux, et dont tu ôtes le centre dur et les pépins en creusant avec une cuillère. Remplis les cavités de bon miel de châtaignier et saupoudre de cannelle. Referme-les et enveloppe-les dans de l’alu et plonge-les dans la braise en recouvrant. Elles devraient être prêtes au bout d’un petit quart d’heure. Sers-les telles quelles à tes invités.
Pour ce repas tout simple et convivial, tu choisiras en accompagnement un bon Sablet ou un Vacqueyras de bonne famille.

Gatonegro

samedi 16 octobre 2010

Jambon à la Sinti et sa flambée des sous-bois




Les Sinti sont des Tsiganes germanophones, dont les nazis se sont débarrassés comme l’on sait. Quelques-uns ont réussi à échapper aux raffles et ont alors migré en France, mais surtout dans le nord de l’Italie où ils ont reconstitué leurs communautés. En 2008, Berlusconi a organisé une gigantesque chasse aux Roms et en expulsé vers la France et la Grèce plus de 12 000, démantelant tous leurs camps. On le voit, la France n’a hélas pas le triste monopole de l’expulsion des Roms…

Voilà une recette typique d’automne qui utilise les ressources des sous-bois. Cette saison est idéale pour cueillir des tas de trucs délicieux qui squattent nos forêts. Malheureusement dans notre région épargnée par les pluies, il semble cette année que les champignons soient absents de nos sous-bois. Pas grave, tu essaieras de t’en procurer sur le marché. Cette recette marche très bien avec les cèpes, évidemment, mais les sanguins (les pinins dit-on ici) font merveille. Au pire tu peux même utiliser des champignons de Paris frais, c’est pas mal du tout aussi, quoique un peu sec : il faudra alors les mouiller avant de les cuire.

Choisis-toi d’abord de beaux talons d’un bon jambon cru un peu vieux. Ton boucher en a toujours dont il ne peut pas faire grand-chose, y couper de belles tranches étant impossible. Tu les auras donc à un bon prix, mais il vaut mieux te les faire mettre de côté une semaine avant. Pour 4 personnes, il te faut 4 culs de jambon, 1KG de champignons frais, 4 ou 5 pommes à cidre, sauvages et acides, deux trois gousses d’ail, quatre ou cinq beaux brins de romarin, une petite poignée de baies de genière, quelques piments. Huile d’olive, sel et poivre rouge en baies. Enfin, prévoie une bonne Grappa, ou si t’as pas, un marc de raisin du coin, genre Garlaban, suffira. En ustensiles, un bon faitout, une grille pour ton brasero, un torchon.

Commence par mettre tes talons de jambon au fond de ton faitout, avec deux bonnes cuillères d’huile, trois gousses d’ail épluché et fais revenir jusqu’à coloration. Pendant ce temps, épluche tes petites pommes, épépine-les et coupe les en petits quartiers. Une fois ton jambon bien coloré, sors le faitout du feu et arrose généreusement avec ta Grappa. Flambe. Puis remets ton faitout à feu moyen, rajoute tes pommes, ton romarin, deux ou trois piments, tes baies de genièvre, ton poivre rouge en grains. Quand tes pommes commencent à prendre la couleur, ajoute un petit verre d’eau, une toute pincée de sel (attention, le jambon est déjà très salé, si t’es pas sûr de toi, sale pas), couvre avec le torchon et laisse cuire 3/4 d’heure à feu doux.

Pendant ce temps, tu auras lavé tes champignons entiers, et préparé ton feu de bois. Lorsque la braise est bien faite, pose ta grille très près des braises et jette tes champignons entiers. Tu les retourneras au bout de cinq/six minutes environ. Lossqu’ils sont cuits, réserve dans un plat creux à couvert près du feu, après avoir coulé un peu d’huile d’olive, un filet de vinaigre fort, et salé et poivré. Le jus des champignons va alors suinter.
Retire ton faitout, et sers dans les assiettes les talons, accompagnés de leurs pommes et d’une poignée de champignons. Régale-toi.

En accompagnement, choisis un vin rouge léger, type Chianti, ou un Bourgogne fruité.

Gatonegro

lundi 11 octobre 2010

Lapin à la Flamenca et sa purée de potiron aux marrons


Pour cette recette puissante, pour six personnes, il te faut un beau lapin de garrigue, un bonne poignée de romarin frais, une de thym frais, 4 feuilles de laurier, une demie-tête d'ail, quelques piments rouges, des baies de genevrier, quelques câpres, un demi-pot d'anchois au sel, trois cuillères d'huile d'olive, du gros sel de mer, quelques grappilles de raisin noir à petits grains que tu auras glanées dans la vigne déjà vendangée, si c'est du muscat c'est mieux, un verre de vieux marc de raisin, deux bons verres de xéres, un verre de rouge tanique. Pour la purée, il te faudra une grosse tranche de potiron, un demi-kg de marrons frais (mais tu peux t'en procurer en boîte si t'as la flemme), du beurre frais, une cuillère d'huile d'olive, quelques petites olives noires (pour la déco), sel et poivre du moulin. Enfin, en ustensiles, tu prévoieras une cocotte en terre pour le lapin, une grosse casserole et un saladier en terre pour le potiron.

Débrouille-toi un lapin sauvage bien parfumé aux herbes, soit que tu l'auras attrapé toi-même dans la garrigue, soit qu'un ami chasseur te l'auras ramené tout exprès. Commence par l'éplucher, puis vide-le, en gardant bien sûr le foie et le coeur. Coupe ta bête entière en morceaux bien formés, en te méfiant des petits éclats d'os très durs, sectionne les pattes en deux, et garde bien la tête. Jette tout ça avec le foie et le coeur dans l'huile chaude au fond de ta cocotte, ne sale pas, rajoute la moitié de ton thym et 3 gousses d'ail entières et épluchées, puis fais colorer à feu vif, en remuant en peu. Une fois les morceaux bien colorés, presque grillés, sors ta cocotte du feu et verse un bon verre de marc de raisin. Fais flamber.

Remets ta cocotte à feu doux, et mouille abondamment au xéres. Ajoute tes câpres, tes baies de genièvre (une dizaine de grains), quatre ou cinq beaux piments rouges, tous tes filets d'anchois lavés et nettoyés, ton laurier, le reste du thym, le reste de tes gousses d'ail entières. Jette ton romarin sur le dessus. Couvre. Laisse mijoter à couvert sur feu très très doux pendant une petite heure.

Pendant ce temps, jette ton potiron pelé et détaillé en cubes dans une casserole d'eau bouillante. Laisse cuire au moins 40 minutes. Lorsque ton potiron est tendre à coeur, rajoute dans l'eau tes marrons (en boîte, ou si tu as eu le courage, que tu as fait sauter au feu auparavant et que tu as épluchés). Laisse encore dix minutes à feu moyen, sors le tout et passe-le. Dans un saladier, écrase à la fourchette avec le beurre frais, une cuillère d'huile, une pincée de sel et le poivre du moulin. Ajoute sur le dessus les olives noires pour faire joli. Réserve en couvrant.

Reviens sur ton lapin, goûte la sauce. S'il manque un peu de sel, mais ça m'étonnerait, rajoute quelques grains de gros sel de Camargue. La sauce à présent doit être assez compacte. Tu y ajouteras ton verre de vin rouge et ton raisin frais  (une vingtaine de grains). Laisse mijoter encore 10 minutes.

Voilà, tu peux servir. Le lapin ainsi préparé Flamenca est très fort, très puissant, mais les grains de raisin frais contrasteront agréablement la préparation. A côté, ta purée douce de potiron et de marrons viendra t'adoucir le palais. En plus, ces tons d'automne du lapin très noir au côté de sa purée couleur de sous-bois flatteront l'oeil, en cette saison où les nourritures charpentées et roboratives sont bienvenues...

Sers avec un bon rouge corsé, de type Sangre del toro, ou n'importe quel Rioja, pourvu qu'il soit âgé et fort.

Gatonegro

jeudi 7 octobre 2010

Poulet de la mer

(Fenouil sauvage)

Pour cette recette en trompe-l'oeil, ou plutôt en trompe-goût, tu te choisiras un beau poulet fermier, un de ceux qui gambadent dans la campagne, que tu éplucheras et dont tu couperas les bouts. En ustensiles, prévoie une grande cocotte ou un gros faitout, de type de celui que tu utilises pour tes ragoûts et un bon couteau à détailler. Tu te procureras également, pour 5/6 personnes : un beau citron, une poignée de fenouil sec, quelques grains d'anis étoilé, du safran (en filaments c'est mieux mais plus cher), une demie-tête d'ail, quatre ou cinq piments rouges, une bouteille de vin blanc sec type étang de Thau, ou un Vionnier un peu vert, un bouchon d'anis (ou pastis si t'as rien d'autre), trois ou quatre cuillères de bonne huile d'olive, du gros sel de mer, du poivre du moulin, une petite poignée de romarin frais, deux trois feuilles de laurier. Pour les patates, choisis 1kg et demi de rates, c'est mieux, sinon n"importe quelle pomme de terre à la chair ferme qui tiendra la cuisson. Enfin, c'est pas indispensable mais plus joli, procure-toi une belle poignée de coquilles, coques ou palourdes, pour bien finir le plat. Tu peux même rajouter quatre ou cinq favouilles, ces petits crabes que tu pêches en bord de mer.

Ce Poulet de la mer est un truc rigolo, qui va surprendre tes invités : sa chair blanche et neutre de volaille est préparée comme un poisson ferme, type baudroie et le résultat est un véritable plat marin aux saveurs iodées de grand large. Le safran, le fenouil, le vin blanc et le citron y sont pour beaucoup dans cette illusion de mer. Si de surcroît tu as rajouté les coques et les favouilles, c'est alors un véritable ragoût marinier que tu offriras à tes invités. Mais sache que les bêtes de la mer ne sont pas nécessaires : ça marche très bien sans elles.

Commence par couper ton poulet en ne conservant que la chair que tu tronçonnes en gros morceaux cubiques. Sectionne également tes cuisses en morceaux, en gardant l'os. Idem pour les ailes. Jette tes morceaux dans l'huile chaude avec l'ail en gros dés, le gros sel, et poivre au moulin. Dès que la couleur prend, mouille avec un bouchon d'alcool anisé, en dehors du feu. Toujours hors du feu, rajoute ton citron détaillé en fines rondelles, tes piments, ton anis étoilé et mouille d'un quart de vin blanc. Remets sur le feu vif et pose ton romarin et la moitié de ton fenouil. Rajoute par dessus tes patates épluchées et coupées en gros quartiers, comme pour la bouillabaisse (si ce sont des rates, mets-les entières après les avoir grattées). Rajoute le safran entre les patates, le laurier, puis poivre et sale encore. Finis par recouvrir à affleurement avec le vin blanc et un peu d'eau si il n'y a pas assez de liquide. Jette tes coquilles et/ou tes petits crabes par dessus ainsi que le reste de ton fenouil, couvre et fais monter à ébullition. Une fois à ébullition, baisse et laisse cuire à feu moyen-fort jusqu'à ce que les patates soient fondantes à coeur (compte vingt bonnes minutes, mais vérifie en plongeant ton couteau dans leur chair). Voilà, c'est prêt, tu peux servir dans les assiettes creuses.

Pour accompagner ce ragoût de mer, un blanc de Cassis serait fabuleux, mais si tu n'as pas, choisis un blanc pas trop sec, sans acidité, et qui a du corps.

lundi 4 octobre 2010

Agujetas, la voix noire du Flamenco


C’est la voz, par excellence, noire et luisante, une voix de tripes et de sang, définitivement gitane : la voix de la siguiriya, terrible, écorchée. Et le personnage est à la hauteur : fils et petit fils de forgeron jerezano, élevé à la plaie de l’enclume et à la fusion du tison ; bercé aux soleares extrêmes, comme aux nerfs de la siguiriya ; élevé aux morsures des vents d’Atlantique, toujours plus violents, salins, iodés que ceux de la Méditerranée, bien sûr ; ces vents de Sanlucar qui élèvent la manzanilla âpre dans leur tonneaux exposés à la gifle vélique, et qui donnent ce vin si vert, si fier, si macho qu’on le dirait coulé dans de l’acier fondu ; et cet Agujeta-là, ce brut de Jerez brûlé des milles feux du cante, sait sortir de sa gorge et de son ventre los sonidos negros comme pas un ne sait le faire encore, même pas le Camaron, pourtant bien pourvu, ne savait le faire, peut-être juste le Terremoto, et encore, et un peu son fils, ces deux héros eux aussi -tiens- jerezanos dans la tripe jusqu’au bout, peut-être eux encore, là, ce trio noir sait.

Manuel el Agujeta est de cette race, il est de cette exception, de ce fer-là : un fou immense, entièrement dédié à son cante, qui ne vit et ne mourra que pour lui ; un lunatic absolu, un de ces types qui vous feraient boire son cante toute la nuit jusqu’au matin juste pour le plaisir de la blessure définitive ; l’’amère déchirure de l’âme, vous diront les jerezanos habités, eux aussi, de la solaire désintégration. Manuel est l’Artaud de la siguiriya, le poète absolu de la voix, la voix crue et nue de la blessure primordiale.

Son surnom, Manuel de los Santos Pastor l’a hérité de son père, Manuel lui aussi, cantaor lui-même, (du père on dit tio Manuel, pour le distinguer du fils dont on dit simplement : Agujeta, ou Agujetas.) Fils de forgeron donc, forgeron lui-même, lorsqu’il parcourt l’Andalousie entière à la recherche du “grand chant”, son baluchon de cheminot à la Woodie Guthrie (tiens !) sur la clavicule, sèche, mal-nourrie, une clavicule de forgeron qui tape dur sur l’acier braisé dans la moiteur de la forge et le noyau du foyer, et, comme son père, admirateur sans réserve de l’autre grand Manuel de la tradition, l’immense Manuel Torre, dont d’ailleurs le père d’Agujetas fut l’élève : le cercle est le cercle est le cercle.

Manuel el Agujeta excelle dans le chant archaïque, cette martinete si primale, le chant brut de la forge, sans rien d’autre que le coup de marteau sur l’enclume, la plainte nue, quejia, sans espoir ni rédemption, ou cette siguiriya si noire et si gitane, écoutez une siguiriya de Manuel, c’est une expérience solaire, unique, insurmontable, dont vous ne reviendrez pas ! D’ailleurs, qui d’autre, vraiment, a la force et les couilles de chanter si cru ce chant si long de la siguiriya, ce paradigme de la plainte gitane ? Certainement pas ces petits cantaores de rien du tout, payos ou non, (oui il est aussi des Gitans qui n’osent pas se frotter au feu de la siguiriya !), qui préféreront toujours la vocalisation d’un fandango de Huelva ou d’une toute petite solea ornementée par une guitare virtuose tellement moins dificil, moins risquée.

Ce cantaor toujours tendu, violent, barbare sans délicatesse*, qu’est Manuel de los Santos “Agujeta” a très peu enregistré, préférant le son noir de la forge, du tablao épaissi de fumée et d’alcool, ou de la juerga familiale et intime, à la transmission mécanique de son chant, perle secrète d’entre les perles, à l’éclat souterrain de truffe noire, gorgée de terre d’Andalousie et de soleil blanc.

Son premier disque, il nous l’a fait en 1970, puis encore trois ou quatre ont suivi jusqu’à ce qu’en 91 paraisse le premier en France chez Ocora, en 1991, un moment de grâce alive à Paris, le pays vicino d’où toute l’afficion revient comme une bombe. Depuis, chez Naïve et Boa, quelques disques ont suivi, ainsi que des collaborations -très- éparses avec certains de ses amis, et des tournées inombrables et enchantées au Mexique, à New-York, au Japon même. Entre temps, Manuel aura ouvert un tablao à New-York (!) et aura contribué à l’excellence de la flamme gitane dans le grand cante flamenco, le cante de son père et de tous les forgerons de Jerez et d’Andalousie qui auront ainsi permis à cette terre et à ses cœurs nobles de vibrer de la braise éternelle du grand chant.



* : Mario Bois, in “grands cantaores du flamenco”, Chant du Monde

Estouffade d'anguilles et petits gris au romarin


C'est une vieille recette, quelque part pas si éloignée de l'antique bouillabaisse des mariniers du Rhône, un truc tout simple que les bateliers faisaient bouillir sur la berge, avec une poignée d'anguilles tronçonnées et quelques poissons du fleuve. Sauf que maintenant le Rhône est plein de saloperies, et qu'on est bien loin du temps où l'on pouvait se nourrir de sa pêche.

Anguilles et escargots, deux bestioles faciles à cueillir dans vos pérégrinations... L'escargot est un peu le symbole du Gitan, avec sa maison sur le dos et sa coquille spiralée qui évoque l'infini des cosmogonies du nord de L'Inde, d'où tous les Tsiganes sont issus. Quant au romarin, c'est l'herbe aromatique par excellence des Gitans, celle dont on ne pourrait guère se passer. Plante médicinale, rustique, au parfum puissant, son buisson piquant le protège bien, et ses racines l'arriment profondément dans les terres rêches de la garrigue, sous le butoir des vents sur ces rases étendues.

L'anguille, enfin, animal souple comme un serpent, à la chair ferme de baudroie, continue de hanter les roubines de Camargue. Il peut être amusant de partir à sa chasse, le soir, au tomber du soleil, sous le vent qui irise les marais. Mais évidemment, il y faut du temps et de la patience, ces trucs que le monde moderne a oubliés.

Donc on prendra une poignée de jeunes anguilles chez le poissonnier, disons un kg pour 4 personnes, c'est plus simple et plus cher, mais au moins pourra t-il vous les préparer. Auparavant, vous aurez fait jeuner pendant une dizaine de jours, au son et aux herbes, une livre de petits gris cueillis dans la garrigue, tout parfumés de thym et de romarin. Du romarin, justement, il en faut et beaucoup. Vous le choisirez frais et vigoureux, bien vert. Vous y rajouterez une belle orange d'Andalousie ou de Corse, les plus parfumées, une demi-tête d'ail rouge bien frais si possible, quelques filets d'anchois au sel, du poivre rouge en grain et des baies de genièvre, deux cuillères de bonne huile d'olive, une pincée de farine, du gros sel de mer, et deux trois verres d'un rouge tanique, type Corbières ou mieux, Rioja... Vous voilà parés pour la recette.
Comme beaucoup de recettes du voyage, celle-ci se cuit au bois et au charbon, dehors, sous le vent, sur un brasero que vous aurez bricolé dans un bidon d'huile, ou, si vous avez, sur un kamoun marocain, qui est un gros pot de terre cuite ajouré sur lequel on pose le tajine. Un truc de Touareg facile à surveiller, et impeccable pour une cuisson à l'étouffée. Il faudra également vous munir d'une grille et d'une cocotte qui aille sur le feu.

Commencez par tronçonner les anguilles, sans les éplucher, et jetez les dans leur peau sur la grille, sur une braise bien formée. 10 minutes tourne-retourne et elles auront pris la couleur et un bon fumet de bois. Réservez-les à côté du feu. Dans la cocotte, jetez vos escargots que vous aurez préalablement fait blanchir, 5 minutes dans une eau à ébulition, puis recoquillés après que vous en aurez retiré le pécou, c'est à dire le bout d'estomac noir qui est au fond de la spirale, et qui donne un goût amer sinon. Versez l'huile d'olive, le sel, le poivre, les baies de genièvre, et 4 à 5 belles gousses épluchées et entières. Mettez la cocotte sur la braise, qui doit être bien rouge, et remuez les coquilles sur le feu vif, jusqu'à ce qu'elles colorent. Toujours sur le feu, jetez-y votre vin rouge, le zeste entier d'une orange, 6 ou 7 filets d'anchois, et mouillez d'un tiers de litre d'eau.

Laissez cuire jusqu'à la première ébulition puis retirez du feu. Saupoudrez d'une pincée de farine en remuant à la cuillère, puis posez vos morceaux d'anguilles sur le dessus, salez-les au gros sel, et rajoutez le romarin bien frais, une belle poignée, n'hésitez pas, enfin couvrez et remettez sur le feu, cette fois la cocotte posée sur la grille. Laissez mijoter une dizaine de minutes et servez bien chaud dans les assiettes, après avoir ôté romarin et zeste d'orange.

Pour accompagner, bien sûr le Rioja de la cuisson, ou à défaut un bon Corbières un peu âgé.

Gatonegro

Couteaux éclatés aux sarments et leurs aubergines granainas



Les couteaux, ces coquilles éfilées et tranchantes que tu trouves dans le sable noir des bords de Camargue, à l'animal ferme et goûtu, tu en verras partout souvent vendus en tapas vers Tarifa ou au Puerto de Santa-Maria. C'est une spécialité de basse-Andalousie, mais tu peux t'amuser à les chercher à pieds dans le sable de Beauduc, par exemple, ou sur L'Espiguette, la plage du Grau. Ramasses-en autant que tu peux, en sachant quand même que ces petites bêtes sont hyper-protéinées, leur chair présentant une texture assez proche de celle des bulots, un peu caoutchouteuse donc.

Pour bien faire, une fois que tu as cueilli une bonne quarantaine de ces bêtes (pour 4 personnes), et qu'elles sont bien vivantes dans leur jus de mer, réserve-les dans un seau d'eau salée, et commence à dresser ton feu de sarments de vigne dans un trou que tu bordes de clapas ou de gros galets, histoire de pas mettre le feu partout, c'est plus prudent. D'autant que les pierres vont te servir plus tard, tu vas voir.

Pour l'aubergine, tu choisis 5 ou 6 aubergines bien fermes, les allongées sont les meilleures. Veille à ce qu'elles soient bien noires et luisantes, gage de leur fraîcheur. A côté, épluche une demie-tête d'ail, et prépare-toi trois beaux citrons, un peu de persil, quatre ou cinq grosses cuillères de bonne huile d'olive, les piments rouges (type piments-oiseaux), du gros sel, du poivre du moulin, et une belle grenade bien mûre. En ustensiles, il te faut une vieille casserole que tu pourras mettre au feu, deux grandes assiettes creuses, un plat creux, un torchon, couteau et fourchette.

Il faut un feu bien fourni, pour faire beaucoup de braises, donc tu auras prévu une grosse brassée de sarments, quelques vieux pieds de vigne pour le dessous. Une fois le feu pris, et la braise du dessous bien formée, il faut pas s'endormir. Commence par presser tes trois citrons avec la pulpe dans la casserole, rajoute trois bonnes cuillerées d'huile, une petite pincée de gros sel, les piments (2 ou 3 petits suffisent largement), trois gousses d'ail que tu haches finement au couteau, enfin le persil ciselé. Réserve.
Prépare de la même façon trois gousses d'ail épluchées que tu gardes pour l'aubergine. Enfin, extraie les grains de la grenade et mets-les de côté.

Jette tes aubergines entières dans la braise, laisse cuire une dizaine de minutes, retourne-les puis recouvre de sarments, en te servant des pierres pour les appuyer, de manière à en faire un nid sur lequel tu jettes tes couteaux quand il s'enflamme. A côté dans la braise, mets ta casserole pour tiédir le jus. Tes aubergines sont prêtes lorsque leur peau éclate, en prenant une couleur fauve. Les couteaux eux sont très rapides, et dès qu'il s'ouvrent, retire-les du feu et réserve-les entre deux grosses assiettes, l'une faisant couvercle sur l'autre, posées sur les pierres. Sors également ta casserole, et tes aubergines brûlantes. Comme je l'ai dit, il faut aller très vite, en synchronisant.

Sans perdre de temps, ouvre en deux tes aubergines en te servant du torchon pour pas te brûler. Leur chair doit être onctueuse, légèrement gluante, et tu la retireras en grattant avec la fouchette. Ne retire que ce qui vient facilement, en évitant d'accrocher la peau cramée. Dans un plat, mélange sans écrabouiller à la fouchette, avec l'ail finement coupé, l'huile d'olive, quelques grains de sel et du poivre. L'aubergine ainsi préparée a un goût très fort, et très fumé. Termine en rajoutant les grains de grenade sur le dessus, sans les écraser. Cette préparation se mange tiède et tu la serviras avec les couteaux, préalablement plongés deux minutes dans la casserole et son jus, que tu auras remis sur le feu. Sers les couteaux brûlants arrosés de leur jus accompagnés de la purée d'aubergine tiède.

Voilà, tu peux déguster : la saveur corsée de l'aubergine, adoucie par les grains frais de la grenade qui éclatent en bouche, se marie parfaitement avec le goût iodé des couteaux, relevés par l'ail, le piment et le citron. Pour accompagner, choisis un rosé bien frais, type rosé des Sables (Listel), ou mieux encore un Tavel au fruit de baies rouges.

Gatonegro

dimanche 3 octobre 2010

La cuisine Flamenca, un univers



 La Cuisine Flamenca que Gatonegro se propose de nous faire partager dans ces colonnes et qu'il essaime chaque semaine dans L'ESPRIT D'AVIGNON est un condensé de culture gitane, une fenêtre sur un nomadisme qui est bien plus qu'un art, mais  un mode de vie à part entière.

Etre Flamenco, plus qu'une attitude, une culture ou une empathie, c'est d'abord et avant tout une position, un regard, en un mot une posture face au Monde qui nous échappe...

Cuisine des bords de chemin, art d'accomoder les petites choses que la nature nous dispense, recettes du glanage et, oui, de chapardage, la cuisine gitane sait magnifier les saveurs avec trois fois rien, souvent de manière surprenante. Sauvage, puissante, imaginative, cette cuisine nomade sait utiliser toutes les ressources de la garrigue et des bois, du fleuve, des marais et des roubines, mais elle n'oublie pas sa mémoire, que ce soient ses racines orientales, ou ses traversées de lointaines contrées.

A l'heure où nos amis Tsiganes subissent l'ostracisme des puissants, il n'est pas inutile de découvrir la richesse d'une culture, qui, si elle n'est pas écrite, recèle des trésors d'inventivité et une relation au monde parfaitement raccord avec cette décroissance que l'on retrouve désormais dans la bouche de tous nos économistes progressistes...

Retour aux sources, donc, éloge du nomadisme et de la simplicité rugueuse d'un peuple qui, contre vents et marées, ne baissera jamais les bras. Les Fils du Vent, à plus d'un titre, sauront toujours nous désigner le juste chemin.

Antonio Sanz